Article 108 (article R.4127-108 du code de la santé publique)
Dans la rédaction de son rapport, le médecin expert ne doit révéler que les éléments de nature à apporter la réponse aux questions posées. Hors de ces limites, il doit taire tout ce qu'il a pu connaître à l'occasion de cette expertise.
Il doit attester qu'il a accompli personnellement sa mission.
Cet article tire les conséquences de l'obligation du secret professionnel dans l'exercice de la médecine d'expertise.
Dans le cadre de l'expertise judiciaire, l'expert n'a pas de secret pour le juge, dans les limites de sa mission. Mais il est seulement chargé de répondre aux questions (d'ordre médical ou médico-légal) de cette mission. Il doit taire tout ce qu'il a pu apprendre ou ce qui lui a été confié hors des limites de la mission. Dans le cadre pénal il ne doit pas faire état des aveux d'un inculpé, ni d'une dénonciation qui lui aurait été faite.
Le médecin expert se trouve souvent dans des situations délicates. Car si, son expertise faite, il est cité comme témoin - par exemple devant la Cour d'assises il prêtera serment de dire "toute la vérité" - il peut se demander s'il a le devoir de livrer des confidences. Et si sa mission le charge de recueillir "tous renseignements", doit-il tout dire ? Un médecin expert chargé de faire l'autopsie d'une jeune femme morte dans un accident et qui découvre, en plus du traumatisme crânien responsable de la mort, l'existence d'une maladie sexuellement transmissible concomitante, doit-il consigner ce dernier élément dans son rapport ?
A ces questions difficiles il faut répondre que le médecin expert, pour respecter le secret professionnel, n'a jamais à déborder sa mission, et qu'il ne doit pas accepter une mission qui va au-delà de l'appréciation des éléments médicaux de l'affaire pour laquelle il a été commis.
Bien entendu, c'est seulement au juge ou à l'administration qui l'a désigné que le médecin répond. Il ne doit rien divulguer au-dehors, à aucun tiers et notamment à la presse. Il ne peut publier son expertise, ni donner à son sujet une conférence de presse, ni accepter d'interview (voir note [1]).
La question se pose de savoir si le médecin expert peut interroger le médecin traitant et si celui-ci peut lui répondre sans déroger au secret médical. Cette question est très controversée. S'il estime pouvoir répondre (il ne peut y être obligé et doit s’assurer de l’absence d’opposition sur ce point du patient), le médecin traitant doit s'en tenir strictement aux seuls points soumis à l'expertise. Sa position est particulièrement délicate dans le domaine psychiatrique, car ici ce que connaît le médecin traitant est presque entièrement fait de confidences.
Les dossiers médicaux sont-ils à la disposition des experts ? A plusieurs reprises à propos des dossiers hospitaliers et des dossiers de sécurité sociale, la Cour de cassation s'est prononcée en faveur de la communication des dossiers au médecin expert régulièrement désigné. Cependant, le seul fait d'être investi d'une mission confiée par une juridiction civile ou administrative n'autorise pas la communication systématique.
Dans cette situation, il est conseillé au médecin qui détient le dossier de remettre au patient, à sa demande, le double du dossier, à charge pour lui de le transmettre à l’expert ou de s’assurer de son accord pour la communication du dossier à l’expert.
Les mêmes règles s'appliquent au médecin expert désigné dans le cadre d'une contestation opposant un assuré social et la Sécurité sociale, ou encore en matière de litiges consécutifs à un accident du travail.
Ces principes doivent aussi être respectés lorsque le patient est décédé et que ses héritiers agissent en justice. Ceux-ci sont seuls compétents pour donner au praticien le droit de confier des éléments médicaux relatifs au défunt à un expert désigné par une juridiction civile ou administrative.
Lorsqu'il y a refus de communication par le patient ou sa famille, il n'appartient qu'à la juridiction saisie d'en tirer les conséquences. Le médecin ne saurait passer outre.
Dans tous les cas, l'expert doit prendre toutes mesures utiles pour que les documents qui ont pu lui être confiés soient protégés contre toute indiscrétion.
En matière pénale, le dossier, saisi à la demande du juge d'instruction, a été placé sous scellés fermés. Il appartient à l'expert, après en avoir pris connaissance de refermer les enveloppes et de reconstituer les scellés, en mentionnant son intervention, attestée par sa signature et la date.
([1]) Chambre disciplinaire nationale de l’Ordre des médecins, 6 mai 2011, n°10721 : « Il résulte des dispositions des articles R.4127-4, R.4127-108 et L.1110-4 du code de la santé publique que le secret médical couvre non seulement les faits de nature médicale mais l’ensemble des faits qu’a pu connaître le médecin dans l’exercice de sa profession ; que lorsque, pour être présent auprès d’une personne, le médecin n’a d’autre motif que sa fonction médicale, tous les éléments venus à sa connaissance sont couverts par le secret médical ; que, ni la volonté d’éclairer le public, ni le caractère déjà public de certaines informations ne sont de nature à légitimer les révélations faites par un médecin en violation du secret médical ; que ces dispositions s’appliquent intégralement aux experts médicaux, alors même que les personnes expertisées ne sont pas des « patients », sous la seule réserve des éléments devant être livrés au juge qui a décidé l’expertise. »